Les entreprises de plus de 20 salariés doivent intégrer dans leurs équipes au moins 6% de travailleurs handicapés. C’est la loi, au pied de la lettre. Bien évidemment, une majorité des entreprises ne se plie pas à cette loi. Et pour cause : une loi n’est qu’une loi. En tant que telle, elle se contente de mettre en avant les avantages financiers directs que peut trouver une entreprise à l’embauche d’un le travailleur handicapé… ainsi que les sanctions en cas de non-respect. En faisant cela, au lieu de valoriser la place des personnes en situation de handicap en entreprise, l’Etat ne fait que creuser l’écart. Car les personnes handicapées semblent en fait avoir plus que jamais leur place dans l’entreprise de demain.
L’INTÉGRATION D’UN TRAVAILLEUR HANDICAPÉ COMME OUTIL DE MANAGEMENT DURABLE
Dans une interview à un journal de la Loire, le dirigeant du groupe BRP, Patrick Bouchet, offre une révélation intéressante. Selon lui, les salariés handicapés suscitent une émulation au sein de l’équipe. Dans son cas, les salariés handicapés, soucieux de montrer leur mérite aux yeux des autres, ont redoublé d’efforts et assuré leurs tâches avec beaucoup de sérieux et de professionnalisme. Cet investissement a stimulé le reste de l’équipe et la productivité a été améliorée.
Par ailleurs, si l’on en croit un spécialiste de l’intégration des personnes handicapées en entreprise, François-Joseph Vella, de façon assez surprenante, la présence de salariés handicapés au sein d’une équipe limite… l’absentéisme ! Ici, c’est la difficulté quotidienne rencontrée par ces derniers qui permet aux autres de relativiser. Voyant qu’une personne aveugle, en fauteuil roulant ou souffrant de tout autre handicap arrive, malgré la difficulté, à travailler comme tout un chacun, les salariés relativisent leurs propres difficultés, se plaignent moins et sont motivés pour s’investir plus. De fait, le principal frein à l’embauche des personnes handicapées tient à des représentations inconscientes négatives sur leurs performances. Conscients de ce handicap supplémentaire, les salariés handicapés veulent prouver qu’ils méritent tout autant qu’un autre leur place et donnent un maximum. De là naît l’émulation.
Enfin, il apparaît que la cohésion de groupe se développe plus vite et plus facilement au sein des équipes qui comptent dans leurs rangs des personnes en situation de handicap.
LE TRAVAILLEUR HANDICAPÉ : UN AUTRE VIVIER DE RECRUTEMENT
Pourtant, certains handicaps conduisent malgré tout à une baisse de performance. Pour un autre dirigeant d’entreprise, spécialisé dans la fabrication d’échafaudages, les travailleurs handicapés ont une productivité moindre de 20% par rapport à une personne valide. Mais ils se maintiennent en poste. Pour ce patron de PME, plusieurs postes de travail demandaient d’effectuer des tâches très répétitives et lassantes. Aucun intérimaire ni aucun employé qualifié ne tenait la durée sur ces postes. Seuls des travailleurs souffrant de troubles psychiques ont tenu.
Selon l’équipe encadrante dont un coach qui l’accompagne dans cette intégration des travailleurs handicapés, c’est justement le caractère répétitif de la tâche qui les rassure et qui garantit leur maintien en poste !
UN INTÉRÊT STRATÉGIQUE
Un Directeur Général se faisait la réflexion, en arrivant dans une entreprise, que cette dernière souffrait d’une terrible inertie. Elle avait besoin d’être réorganisée mais ce travail était impossible en raison de l’immobilisme des troupes et du manque de culture d’entreprise. Le DG envisagea donc de lancer une vaste politique handicap en sollicitant tous les salariés. Motivés, dynamisés et ayant le sentiment de participer à quelque chose de grand, les collaborateurs se sont prêtés au jeu. Les travailleurs handicapés ont été intégrés ; la réorganisation a eu lieu. Sans heurt.
Ce qui ressort de ces témoignages, principalement, c’est qu’en réalité les personnes handicapées apportent la richesse de leur différence au sein de l’entreprise. Loin d’être un cliché rabâché régulièrement par les médias et les associations, la richesse de cette différence est une réalité. La venue d’une personne handicapée amène les autres salariés à prendre du recul par rapport à leur pratique, à leur travail et à l’organisation des services. Et comme souvent, cette prise de recul est bénéfique pour la productivité et la culture d’entreprise.